dimanche 30 décembre 2018

Acclimatation



Cela fait maintenant 22 jours que je suis arrivé en Antarctique, j’ai débarqué avec quelques doutes sur l’acclimatation. Bien que je sois habitué à la montagne je m’attendais à quelques différence évidement, et pensais que cela serait plutôt long.
Hormis lors des coup de vent la température ne varie que faiblement, en général -5° la nuit et jusqu’à +4° dans les journées très chaudes, c’est le cas la plupart des jours la météo est clémente en ce moment. Nous n’avons eu que deux coups de vent seulement jusqu’à maintenant, avec quand même 50 nœud de vent.
L’adaptation a été rapide et sans difficultés pour le moment mais les conditions sont faciles, proches de celles rencontrées dans les Alpes ou les Monts du lyonnais en hiver. Je m’efforce de me découvrir à l’intérieur, les bâtiments sont bien chauffés même les ateliers un pull n’est pas indispensable. A l’extérieur si on s’abrite suffisamment du vent avec bonnet, gants et coupe-vent on peut rester longtemps sans être dérangé. Notre échelle de l’acceptable a aussi évolué : « Ah !!  Il fait bon ce matin …. Seulement 0°C)
Les jours de grand soleil et de vent faible si on s’agite pour une manip vivres ou une opération de pelletage de neige on attrape vite chaud, il m’arrive régulièrement de travailler en t-shirt dehors sans être gêner. Par contre il faut vite se couvrir après, le froid revient très vite. Je n’ai pas encore eu besoin de sortir la VTN (veste coupe-vent bien rembourrée et prévue pour des températures extrêmes).

Si je ne rencontre pas de problème d’acclimatation aux températures j’ai en revanche un peu de mal avec le sommeil. Sans la nuit qui habituellement signe la fin des activités, le corps reste très actif, la tentation de sortir de la base pour une petite balade après le repas est souvent présente. J’ai l’impression de ne pas être fatigué avant longtemps dans la « nuit ». Heureusement une fois posé dans la chambre, volet tiré et lampe de chevet allumée, je retrouve un environnement et un rythme propice au sommeil en 45min environ, ce qui laisse du temps pour un bout de film ou quelques pages de lecture.
 Nous sommes maintenant tellement habitués à la lumière permanente que nous parvenons à percevoir la légère variation de lumière vers 1h du matin qui annonce l’obscurité qui devrait revenir dans une dizaine de jours

samedi 22 décembre 2018

Bienvenue à DDU

Dimanche 9 décembre, au réveil le bateau est calme, plus calme que ces 6 derniers jours, pas de tangage à te jeter hors de la bannette, pas de craquement de la banquise pour secouer le petit déjeuner, c'est presque silencieux à bord. L’Astrolabe tourne en rond au régime moteur minimum, on patiente, le temps ne permet pas de rallier pour l'instant la base de Dumont D'Urville pourtant toute proche d'après les cartes marines. Dans la matinée le bateau traverse une nouvelle zone de pack avant de s'immobiliser de nouveau, le brouillard est compact tout autour de nous.

Soudain par le hublot bâbord Fabien le pilote hélico nous montre les silhouettes oranges des bâtiments de la station, un rayon de soleil éclaire arrive péniblement à percer la brume, puis la piste du Lion apparait à son tour. L'attente touche au but alors que nous contemplons le bout de rocher sur lequel nous allons passer les 12 prochains mois.Après midi les nuages remontent un peu, l’atterrissage est alors convenu pour 16h le temps pour la mer de se calmer.

Le commandant de l'Astrolabe exécute lui même la manœuvre pour venir s'amarrer au quai du Lion, la passe est étroite et les dangers assez nombreux dans cette zone, la concentration est au maximum en passerelle, la réalisation impeccable. De nombreux hivernants sont présents sur la piste pour nous accueillir, une banderole souhaite la bienvenue à la TA69, quelques boules de neiges sont échangées à distance. Les anciens citent les noms des hivernants qu'ils ont quittés 8 mois auparavant. Maintenant nous descendons récupérer nos affaires dans les cabines avant de débarquer de l'Astrolabe, je rajoute quand même une épaisseur supplémentaire l'air est un peu frais. Tous les passagers descendent, je retrouve des camarades déjà présents sur base, arrivés sur les rotations précédente. Nos bagages sont chargés sur une remorque pour rejoindre la base.

 Nous on monte à pied une petite brise et la neige qui tombe rendent le décor merveilleux, l'ascension dans les éperons rocheux de l'ile des Pétrels finis par avoir des allures de haute montagne. Je trouve le décor parfait, j'ai des images de l'Antarctique, des fantasmes presque, en tête et devant les yeux. Je suis heureux d'être là, d'être sorti de la zone de confort. Tout m'émerveille le moindre rocher, la banquise, je me fais violence pour ne pas m’arrêter en extase devant les adélies qui nichent à quelques centimètres de la passerelle que l'on emprunte, j'aurais le temps plus tard, j'ai un an pour profiter de ce lieu d'exception. En se retournant on peut voir l'Astrolabe  à quai sous la neige c'est magique. Je sus heureux tout simplement.

Une petite réception nous attends, quelques mots prononcé par la chef de district de Terre Adélie (Dista) sortante pour nous souhaiter la bienvenue, on fait connaissance avec la TA68 nos prédécesseurs, la soirée se prolonge. Je rejoint la chambre que je partage avec Cambouis, Quentin de son vrai nom c'est le mécano de la 68, les manchots qui nichent devant la fenêtre ne me gène absolument pas au moment de s'endormir. Nous sommes plongés dès le matin avec la réunion hebdomadaire, puis quelques formations pour rapidement devenir autonomes sur la base, puis je pars avec Quentin pour commencer la passation. On a une semaine pour se passer les consignes, partager les infos utiles, découvrir les bâtiments et les engins; dimanche la 68 repart avec le bateau. C'est beaucoup d'information à retenir d'un seul coup. Je profite des soirées pour partir à la découverte de l'ile, la faune est riche, le paysage magnifique, il faut toujours avoir l'appareil photo à portée de main.

Le mauvais temps fait sa première apparitions mardi et mercredi, on essaye au maximum de rester à l'intérieur, ça souffle fort dehors. Les opérations logistiques sont suspendus car le bateau est obligé de se mettre à l'abri, rester à quai est dangereux en cas de coup de vent, l'équipage le met donc à l'abri derrière un iceberg. La passation de pouvoir entre les Dista à lieu mercredi soir en présence de la secrétaire générale des TAAF, à la passation officielle suit les profanes il est de tradition que le sortant remette à l'arrivant un objet symbolique (ou pas). J'ai hérité pour ma part d'un magnifique gyrophare. Le jeudi le temps permet à nouveau le débarquement du matériel, des cales sont déchargés des vivres pour un an, nos cantines d'effets personnels, du matériel scientifique, du carburant. Je participe aux opérations de déchargement, c'est un rude métier que celui de docker.

Dimanche 8h l'Astrolabe retourne vers Hobart, la semaine fut très intense, riche en émotions et belles images.
A son bord les sortants R1 nous n'avons passé qu'une semaine ensemble et pourtant quelque chose nous lie à eux fortement.

La piste du Lion et le hangar aviation

Paré au décollage
Soleil de Minuit sur le continent

mardi 11 décembre 2018

Par-delà la banquise


Briefing activité du vendredi 7 décembre au soir
 Météo pour le samedi 8 : neige à partir de minuit,  1°C, levé de soleil à 3h02 ;
Coup de vent prévu dans la nuit de samedi à dimanche, l’Astrolabe devra patienter avant d’accoster au Lion.
Arrivée dans le pack prévu en milieu de matinée.

Je me couche impatient de voir les glaces.
 Le lendemain à 7h pendant le petit déjeuner, la première barrière de pack est annoncé, je termine rapidement mon thé et descends chercher appareil photo et affaires chaudes. Par le hublot de la cabine je peux voir filer les premiers glaçons. Arrivé en passerelle c’est exceptionnel, une longue ceinture blanche semble nous interdire le passage d’un bord à l’autre de l’horizon. Les petits glaçons se font de plus en plus nombreux et sont de plus en plus gros, puis le bateau arrive aux premières plaques. Un bruit retentissant et un secousse parcourent le navire, le brise-glace est à l’œuvre, les plaques passent de part et d’autre de l’étrave. On continue pendant un moment puis les eaux libres d’une polynie se profilent devant nous, dans un dernier  sursaut, l’Astrolabe s’extrait du pack. La passerelle nous informe : c’est seulement une bande de banquise débâclée, peu importe nous sommes tous redevenus des gamins de 8 ans qui découvrent de la neige pour la première fois.

Un autre pack plus conséquent est annoncé pour 10h30 je reste en passerelle, attentif, au moindre signe blanc, je cherche surtout un iceberg tabulaire. Petit à petit l’horizon devient blanc le pack approche, nouvelle vague d’excitation, il est plus dense cette fois mais également débâclé. Je perds vite la notion du temps dans cet univers inconnu, du blanc où que porte le regard, j’ai l’impression de débarquer sur une autre planète, la Planète Blanche.

Plus tard dans l’après-midi nous enchainons zone de pack et d’eaux libres, l’Astro avance bien. Soudain une forme se découpe entre l’horizon et la brume, encore indistincte mais elle semble s’étirer très loin, l’équipage le confirme c’est bien un tabulaire et pas petit modèle, celui-ci fait 30kms de long. Le chef de quart approche son bâtiment de ce mastodonte, j’ai du mal à croire ce que je vois, il doit faire 20 à 30 m de haut, impossible de dire précisément tant l’échelle est difficile à apprécier. On le longe pendant un moment, l’écho radar semble le prolonger à l’infini, puis on fini par s’éloigner notre route vers DDU est différente de la sienne.

Le pack n’est pas un désert stérile, nous croisons un certain nombre de manchots de phoques et de baleines. Les plaques retournées par notre passage laissent entrevoir des taches marrons, qui attestent de la présence de Krill et de phytoplancton, la base de la chaine alimentaire dans l’océan. Ceux d’entre nous qui ont déjà fait la traversé trouvent qu’on ne voit pas beaucoup de vie par rapport aux rotations précédentes. 

Dans la soirée, assis dans la cafeteria, je joue aux dés avec deux collègues et deux marins, il est tard, d’un coup sans prévenir un mur de glace passe devant le hublot, un vrai mur nous ne pouvons voir le sommet depuis notre observatoire, on se précipite en passerelle. Un iceberg nous toise tel une bête marine légendaire, sortant à peine de la brume dans le petit jour de minuit, l’atmosphère est magique, surnaturelle.

Je reste un peu en passerelle avant d’aller me coucher, on traverse maintenant des zones de banquises bien épaisses, le bateau tape durement contre, grimpe sur la plaque avant de la faire céder sous son poids. Parfois la banquise est trop épaisse, le pilote fait machine arrière pour revenir avec un peu plus d’élan. Je vais me coucher fatigué mais avec des images plein la tête.

Icebergs tabulaires


Manchot empereur dans le pack

Vers le continent austral


Le tour du monde en 40 h

Je décolle du sol Parisien à 20h15, le temps est affreux au départ, 11h de vol direction Hong Kong, c’est un enchainement entre les repas, les films et les micro siestes, on atterrie à 15h30. Escale de 4h complétement décalqué, déjà.
Décollage à 19h direction Sydney une partie de l’équipe passe elle par Melbourne, on touche le tarmac à 7h30 nouvelle escale de 3h, pas trop le temps de trainer, on change de compagnie et de terminal, donc double passage de la douane australienne bien plus attentive que les autres, heureusement personne du groupe ne doit déballer toutes les affaires.
Décollage à 10h45 direction la Tasmanie, le dernier vol, ça commence à être long j’ai hâte d’arriver. Arrivé à 12h30 on récupère tout le barda direction l’Astrolabe
Arrivé à bord 37h et 48m après avoir quitté Lyon, le plus long voyage que j’ai fait jusque ici, premier passage de l’équateur, reste maintenant la traversé jusqu’à DDU. Le départ est retardé de 12h, une dépression passe au large de Hobart, pour éviter de se faire secouer dès la sortie de Storm Bay.

Hong-Kong de nuit

L'Astrolabe à quai dans le port de Hobart


Cap 180°

Embarqué sur l’Astrolabe, quatrième du nom, nous quittons le port de Hobart mardi 04 à 8h le temps est beau la mer très calme dans Storm bay, on procède à l’exercice d’évacuation. Les montagnes de Tasmanie passe de proue à poupe et la mer grossi rapidement une fois l’abri des terres dépassé, l’étrave s’oriente plein Sud, plus aucun obstacle jusqu’au pack.
 La vie à bord est un peu monotone, les sorties limités par la mer formée, nous n’avons pas grand-chose à faire, jeu de cartes, films et repos ; tous les organismes sont mis à l’épreuve à différents degrés par le roulis du bateau, je paye mon tribu dès le premier après-midi. Nous ne croisons aucun autre bâtiment dans ces eaux loin de toute route maritime.
Nous rencontrons beaucoup de vie en revanche une fois la zone de convergence passée, la rencontre entre les eaux chaudes du pacifique Sud et froides de l’océan austral antarctique est très favorables pour un certain nombre d’espèces. Je reste pantois devant les albatros, la facilité avec laquelle ils évoluent au ras des vagues ou dans les remous d’air crées par le bateau sans battre des ailes. La mer est magnifique sous ces latitudes, dès que le soleil sort elle passe d’un gris métallique à un bleu azur.

Un pétrel par 55° Sud

dimanche 2 décembre 2018

Day of days

Sur le chemin de la gare je refais mentalement une fois encore mon sac. Passeport ok, pulls ok, bonnets ok, maillot de bain ok ....
C'est sûrement la deux centième fois que je me demande si je n'ai rien oublié, mais c'est un peu tard maintenant pour modifier mon barda. tant pis on fera avec ce qu'on a. Au pire je me fais envoyer un colis par R4.
La dernière nuit en France a été un peu agitée, le sommeil long à se manifester. Dernier petit-déjeuner en tête à tête avec les parents, ça fait une éternité que c'était pas arrivé. Je ferme les sacs et c'est le départ de la maison, la gorge se serre un peu au passage du seuil.

14h : je suis dans le train, un dernier au revoir aux parents qui m'ont accompagné jusqu'à la porte du wagon, le voyage commence pour de bon

17h : je fais la jonction avec le reste de l'équipe TA69 nous sommes 15 à partir sur ce vol. Je récupère mon visa pour l'Australie ainsi que le billet d'avion auprès de Viviane de l'IPEV. Nous nous dirigeons maintenant vers l'enregistrement...

Cap sur Débarquement

Les conditions météo de la fin aout sont très favorables, bien ensoleillé, quasiment sans nuages hormis quelques cirrus éparses. Peu de v...