mardi 11 décembre 2018

Par-delà la banquise


Briefing activité du vendredi 7 décembre au soir
 Météo pour le samedi 8 : neige à partir de minuit,  1°C, levé de soleil à 3h02 ;
Coup de vent prévu dans la nuit de samedi à dimanche, l’Astrolabe devra patienter avant d’accoster au Lion.
Arrivée dans le pack prévu en milieu de matinée.

Je me couche impatient de voir les glaces.
 Le lendemain à 7h pendant le petit déjeuner, la première barrière de pack est annoncé, je termine rapidement mon thé et descends chercher appareil photo et affaires chaudes. Par le hublot de la cabine je peux voir filer les premiers glaçons. Arrivé en passerelle c’est exceptionnel, une longue ceinture blanche semble nous interdire le passage d’un bord à l’autre de l’horizon. Les petits glaçons se font de plus en plus nombreux et sont de plus en plus gros, puis le bateau arrive aux premières plaques. Un bruit retentissant et un secousse parcourent le navire, le brise-glace est à l’œuvre, les plaques passent de part et d’autre de l’étrave. On continue pendant un moment puis les eaux libres d’une polynie se profilent devant nous, dans un dernier  sursaut, l’Astrolabe s’extrait du pack. La passerelle nous informe : c’est seulement une bande de banquise débâclée, peu importe nous sommes tous redevenus des gamins de 8 ans qui découvrent de la neige pour la première fois.

Un autre pack plus conséquent est annoncé pour 10h30 je reste en passerelle, attentif, au moindre signe blanc, je cherche surtout un iceberg tabulaire. Petit à petit l’horizon devient blanc le pack approche, nouvelle vague d’excitation, il est plus dense cette fois mais également débâclé. Je perds vite la notion du temps dans cet univers inconnu, du blanc où que porte le regard, j’ai l’impression de débarquer sur une autre planète, la Planète Blanche.

Plus tard dans l’après-midi nous enchainons zone de pack et d’eaux libres, l’Astro avance bien. Soudain une forme se découpe entre l’horizon et la brume, encore indistincte mais elle semble s’étirer très loin, l’équipage le confirme c’est bien un tabulaire et pas petit modèle, celui-ci fait 30kms de long. Le chef de quart approche son bâtiment de ce mastodonte, j’ai du mal à croire ce que je vois, il doit faire 20 à 30 m de haut, impossible de dire précisément tant l’échelle est difficile à apprécier. On le longe pendant un moment, l’écho radar semble le prolonger à l’infini, puis on fini par s’éloigner notre route vers DDU est différente de la sienne.

Le pack n’est pas un désert stérile, nous croisons un certain nombre de manchots de phoques et de baleines. Les plaques retournées par notre passage laissent entrevoir des taches marrons, qui attestent de la présence de Krill et de phytoplancton, la base de la chaine alimentaire dans l’océan. Ceux d’entre nous qui ont déjà fait la traversé trouvent qu’on ne voit pas beaucoup de vie par rapport aux rotations précédentes. 

Dans la soirée, assis dans la cafeteria, je joue aux dés avec deux collègues et deux marins, il est tard, d’un coup sans prévenir un mur de glace passe devant le hublot, un vrai mur nous ne pouvons voir le sommet depuis notre observatoire, on se précipite en passerelle. Un iceberg nous toise tel une bête marine légendaire, sortant à peine de la brume dans le petit jour de minuit, l’atmosphère est magique, surnaturelle.

Je reste un peu en passerelle avant d’aller me coucher, on traverse maintenant des zones de banquises bien épaisses, le bateau tape durement contre, grimpe sur la plaque avant de la faire céder sous son poids. Parfois la banquise est trop épaisse, le pilote fait machine arrière pour revenir avec un peu plus d’élan. Je vais me coucher fatigué mais avec des images plein la tête.

Icebergs tabulaires


Manchot empereur dans le pack

9 commentaires:

  1. Je suis trop fan de ta plume. On a vraiment l'impression d'être avec toi. Il ne manque plus que les sons (qu'on peut vraiment s'imaginer avec ta description) et les odeurs. J'ai hâte d'en lire plus.

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  2. Splendide !
    Ce premier Empereur va beaucoup plaire, quel excellent support pédagogique pour découvrir et faire découvrir ces Terres Australes et Antarctiques…
    Vivement la suite à DDU 😉

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  3. super récit et très belle plume.
    continue à nous faire rêvez de désert blanc.
    Prez

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  4. J ai l impression de lire un livre ! C est magnifique Merci de nous faire partager cette incroyable vie !

    J t embrasse !
    Cindy

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  5. Waouh ! Quelle prose....et quelle beauté que ce "paradis blanc" comme disait Monsieur Michel Berger.
    Bonne chance pour cette expérience
    Marc Dumortier

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  6. Je ne comprends pas pourquoi plus jeune t'avais des difficultés en français, c'est hyper bien écrit!
    Et ça a l'air chouette, profites!!

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  7. Ce commentaire a été supprimé par l'auteur.

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  8. J'adore, on a l'impression d'y être, vraiment bravo. Les photos sont très jolies.
    Merci de partager ton voyage !

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