Les conditions météo de la fin aout sont très favorables, bien
ensoleillé, quasiment sans nuages hormis quelques cirrus éparses. Peu de vent,
le catabatique s’est retiré sur le continent. Des températures froides favorisent
également une banquise épaisse et solide. Tout semble nous inviter à une grande
sortie hors de la base.
C’est le dimanche 1 septembre que nous choisissons pour
conduire la deuxième sortie vers le rocher du débarquement.
Le rocher du débarquement, fait partie des iles Dumoulin, un
groupe d’ilots qui émergent dans le Nord Est de l’archipel de pointe géologie. Elle doit son
nom à Jules Dumont d’Urville, puisse que c’est sur ce rocher culminant à dix-neuf
mètres qu’il a débarqué le 22 janvier 1840. Ce rocher du débarquement est
classé comme site historique de l’Antarctique.
Une première expédition avait déjà atteint cet ile le 29
juillet, mais avec les astreintes et les obligations (quart centrale, pompiers,
service base) toutes les personnes intéressées par cette sorite n’avait pu y
prendre part. Une deuxième session devenait alors indispensable.
Malheureusement, le temps ici rythme notre quotidien et les possibilités
de sortie. Une période de redoux et de tempête sur plusieurs jours on eu raison
de la banquise pourtant épaisse (environ un mètre) et une vaste polynie s’est
formé juste devant la base. Cet épisode de chaleur exceptionnel pour ce mois d’août,
n’a pourtant pas duré bien longtemps. Avec le retour des températures normales
entre -20 et -25°C une nouvelle banquise s’est rapidement formé, permettant
avec quelques raid de reconnaissance, vers la Dent notamment de rouvrir la voie
vers débarquement.
Le temps est bon le ciel est bleu, la météo est parfaite
pour cette journée. Le mercure indique -25,5°C, et le vent pourtant omniprésent
d’ordinaire sur cette portion de l’Antarctique s’est tu, il y a seulement trois
nœuds moyens sur la journée.
Notre équipe du jour se compose de dix hivernants :
Maelle (second centrale), Mervyn (intrum), Guillaume(Lidar), Douglas
(manchologue), Jeremy (technicien météo), Raphael (menuisier), Aurélien
(électrotechnicien), Greg (glaciologue), Nicolas T(mépré).
Cap au nord.
La banquise du début d’hiver, est recouverte d’une couche de
neige compacte, quelques sastrugies se sont formées par endroit. Puis on
atteint la zone de banquise récente, vestige de la polynie de début août la surface ici est lisse comme un miroir, la
poudre blanche n’est pas encore venue recouvrir le gris de la glace de mer.
Cap au Nord (crédit photo Mravitch) |
Afin de pimenter le challenge, Douglas et moi sommes équipés
de ski de fond, mais après quelque distance parcourue nous renonçons aux skis,
la banquise ne se prête pas trop à cet exercice dans son état actuel, elle est
bien trop lisse et glissante, il nous faudrait plus de neige pour avancer
convenablement. Nous laissons les skis aux environs d’un iceberg pour les
retrouver facilement lors du retour et chaussons les Sorrel. C’est un grand
plaisir de retrouver sa liberté de mouvement dans les bottes de banquise.
Crédit photo Mravitch |
Cette sortie est également l’occasion de vérifier, l’état et
l’épaisseur de banquise. Equipés d’une tarière sur batterie et d’un mètre ruban
spécialement modifié pour permettre les mesures, nous effectuons des sondages
tout les kilomètres environ, les point de sondages sont sauvegardés par un GPS.
Malgré ses trois semaines d’existence la nouvelle banquises atteint déjà
soixante centimètre en moyenne, et est composé de glace très dure. La prudence
reste tout de même de mise surtout aux abords des failles, rivières et zone de
compression autour des iles.
Sondage glace (crédit photo Maëlle) |
Après environ une heure et demie de marche nous atteignons
le Rocher du Débarquement, il est 12h, nous venons de parcourir sept kilomètres
depuis la base. Nous explorons l’ile, une plaque commémore l’arrivée en Antarctique
de L’Astrolabe et la Zélée, les navires de Jules Dumont d’Urville. On peut
également découvrir quelques traces de manchot adélie et de leurs nid ainsi que
des vestiges du passage de l’homme, mat haubans et pitons dans le rocher,
témoignage d’un amer ou d’une expérience
laissé ici
Il est maintenant largement temps de faire une pause casse-croute
pour retrouver quelques forces, les sandwichs de Bertrand sont toujours d’un
grand réconfort après quelques heures sur la banquise. Face au Nord, l’océan
austral du moins la banquise s’étire jusqu’à l’horizon, seules les immenses
icebergs tabulaires viennent par endroit modifier l’aspect lunaire de la
banquise. On fait difficilement mieux comme panorama pour manger C’est ici le point le plus au Nord que nous
ayons atteint au cours de l’hivernage, aucune autre île plus septentrionale
n’est accessible en une journée de marche
Pas mal pour manger (crédit photo Mravitch) |
Sur le trajet du retour notre itinéraire nous fais passer
par les iles Dumoulin, nous faisons une halte sur l’Ile du Dépôt puis nous nous
dirigeons vers les iles Curie et la Dent. Tout le long du trajet retour on
longe le glacier de l’Astrolabe. Vu d’ici on prend mieux conscience de
l’énormité du glacier, ses dimensions sont impressionnantes. La taille et le
nombre des iceberg vêlés l’est tout autant. Les failles qui s’ouvrent dans la
glace millénaire nous laissent apercevoir le continent et de nouvelles étendues
inexplorés Comme une invitation à poursuivre le voyage plus loin. Le temps
suspend son cours, j’ai l’impression d’être sur une planète lointaine très
lointaine, le silence est absolu c’est un moment grandiose.
L'arrivée à Débarquement (crédit photo Maëlle) |
Après avoir récupéré les skis laissés à l’ombre du berg on
se dirige de nouveau vers DDU, la base grossit à mesure que nous approchons, la
première image que j’ai eu de la base me revient en mémoire, à travers la brume
on apercevait les bâtiments colorés sur ce promontoire rocheux avec le même
angle. Les manchots empereurs se font plus nombreux eux aussi et convergent non
pas vers la base mais se dirige dans l’anse du pré pour nourrir leur
progéniture.
Au terme de l’ultime montée sur la base haute, les jambes
tirent un peu, avec dix-sept kilomètres parcourus en tenue « grand
froid » et avec les sacs banquise, pourtant tout le monde a le sourire
l’aventure était belle.